COUTURIER

Photo : Goldo

Michel Couturier, Shadow Piece Lighting Tower, fibre synthétique, L. : 41 m

Galeries Saint-Lambert, 4000 Liège

Depuis 2001, l’attention de Michel Couturier se focalise sur les espaces périurbains : parkings, centres commerciaux, no man’s land entre deux voies à grande vitesse … Ces lieux du quotidien à l’identité trouble se retrouvent dans ses photographies, ses vidéos (par exemple dans Bonfire, une performance réalisée dans plusieurs grandes villes européennes, où il récolte des déchets pour en faire un feu), mais aussi plus récemment dans de nombreux dessins. Ces derniers ont notamment été publiés dans l’ouvrage Figures, paru en 2009. Fonctionnant à la manière d’un imagier, cette série constitue un répertoire de formes détourées, de silhouettes plus ou moins nettes, parmi lesquelles se devinent un panneau de signalisation, le squelette d’un bâtiment en construction, un arbre, un pylône électrique … L’objectif n’est pas tant d’identifier une fonction précise, ni de tracer une limite entre ce qui serait purement naturel et ce que produirait l’activité humaine, du reste de plus en plus envahissante. Les critères de sélection de l’artiste sont précis : il choisit des éléments verticaux, de préférence de grand format, qui lui semblent emblématiques d’un univers à la fois enchanté et menaçant. Isoler les formes en les extrayant de leur contexte, brouiller les pistes en supprimant toute nuance de couleur ou référence au texte mettent finalement en évidence leurs points communs : reflet de la volonté de s’approprier le monde, ces figures sont des succédanés des bornes, drapeaux, tours ou autres objets phalliques fièrement élevés de tous temps lors des conquêtes territoriales. Tracés au feutre ou peints au vernis à ongles, projetés dans un appartement ou imprimés sur affiches, ces dessins s’adaptent au contexte de présentation.

En prenant place sur la verrière des Galeries Saint-Lambert, la forme choisie dans le cadre d’Ennemis publics gagne un caractère particulièrement monumental. Visible depuis la plupart des points de vue du centre commercial, elle s’étire sur plus de quarante mètres et peut difficilement être appréhendée dans son ensemble d’un seul regard. Le spectateur est donc invité à reconstituer une image mentale tout en s’interrogeant sur sa provenance. Découpée dans une maille synthétique légère, l’œuvre apparaît comme une ombre qui aurait pris son indépendance. Cette tour échappée d’un poste frontière ou d’un terrain de sport et qui vacille pour, peut-être, venir s’écraser à nos pieds, semble étrangement familière.

2 réponses à “COUTURIER

  1. Une œuvre imposante pour un lieu imposant! Après réflexions et explications, le lien se fait entre le titre, le lieu et surtout la forme en elle-même. Impressionnant!

  2. Julie Hanique

    Jessica, heureuse de constater que quelques explications ont été utiles à votre réflexion.

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